Insomnie et bricolage

Dominique était seule dans le garage plongé dans une demi-pénombre. Elle n'arrivait pas à dormir alors elle avait enfilé son treillis et était descendue chouchouter sa jeep. Elle aimait bien les gros véhicules un peu archaïques, et celui-là était à la fois archaïque et taillé comme un tank. Comme elle n'avait pas d'amis sur le continent américain, elle reportait toute son attention sur sa chère voiture et sur sa collection d'armes à feu anciennes (c'était tout ce que son grand-père lui avait légué).
Elle descendit un peu plus bas dans l'enorme moteur. Le véhicule semblait bien supporter les pièces de rechanges d'un autre type. Elle aurait préféré que la vieille toyota soit entièrement équipée avec des pièces d'époque, mais ces fameuses pièces ne se fabriquaient plus. Elle avait dû aller chercher les dernières au Japon. A présent, le moteur était constitué à moitié de pièces originales et à moitié de pièces trouvées ça et là. Récement, elle s'était fait roulée et avait acheté des saloperies de pièces Est-allemandes qui n'avaient pas tenu un mois. Dominique sourit en voyant que tout allait bien. Si elle n'arrivait toujours pas à dormir, elle se taillerait peut-être un peu de route. Elle allait en conclure là quand un bruit se fit entendre dans le garage. Surprise, elle se releva brutalement et se cogna au capot. Elle se releva en se massant la tête et regarda autour d'elle. Elle ne vit rien, il faisait trop sombre. La seule lampe allumée éclairait juste la voiture. Dominique tira le Mauser C96 de sa ceinture. Depuis qu'elle était arrivée en Amérique, une sensation d'être observée ne la quittait pas et elle devenait un peu paranoïaque sur les bords. C'est pourquoi elle gardait toujours cette arme (la préférée de sa collection) à portée de main. Elle ferma les yeux, et quand elle les rouvrit ils étaient jaunes. Elle put alors voir qui était là.

"'soir ! Tu es venue voler une voiture? Si c'est le cas, touche pas à celle de mon père sinon il vous bottera le cul. Ah non j'ai trouvé, tu es une sorte d'espionne et tu es venue voir tous les secrets de l'Institut. Ah moins que tu sois une vagabonde. T'es qui?"
Dominique soupira de soulagement, ce n'était qu'une petite fille. Elle rangea son arme et s'approcha. Elle est fraiment petite. Sûrement une élève de l'institut. Ces types là devaient recruter dans les crèches. Je souris, elle était culottée, et elle aimait bien ça.
"Pas d'inquiétude ! Tu ne me connais sûrement pas, j'ai rejoint l'institut il y a seulement quelques jours. Je viens pas voler quoi que ce soit, j'ai juste du mal à m'endormir. Et toi, pourquoi t'es pas couchée ?"
Elle avait quand même du cran, cette gamine. Dominique était devant elle, elle la dominait de trois têtes, elle avait une arme à la ceinture, et cette petite la toisait avec son regard sévère.
"T'inquiète pas pour la voiture de ton père, j'en ai déjà une et je l'aime par dessus tout."
Sur ce, elle tapota affectueusement la calandre de la jeep avant d'attrapper la clé de douze et de replonger dans le moteur.
"Je t'ai pas fait peur, au moins ?" demanda-t-elle d'une voix qui résonna sous le capot.

Dominique sourit. Elle aussi était très curieuse à neuf ans, peut-être pas aussi méfiante, mais tout aussi curieuse.
"J'ai rencontré une certaine Pénéloppe Winchester. Très sympa. Elle m'a apprit l'existence de l'institut."
La réponse devait être assez satisfaisante pour que a paranoïa de la petite soit calmée.
"Ma caisse c'est une Toyota, elle a vécu mais elle marche bien, j'oeuvre régulièrement pour que ça dure. Et mon arme... Ouais, c'est une vraie et elle marche toujours. Je maîtrise pas encore mon pouvoir alors je la garde avec moi au cas où j'aurais à me défendre. C'est une pièce de collection, mon grand-père me l'a offerte avec plein d'autres."
Elle se repencha sous le capot et déserra une soupape trop serrée.
"Moi? Avoir peur? Même pas en rêve, je n’ai jamais peur. Et moi? Je t'ai fait peur? Tu peux l'avouer, je me moquerais pas t'inquiète. Au fait, tu t'appelles comment? Moi c'est Rachel."
Dominique éclata elle aussi de rire. Cette gamine avait vraiment du cran pour quelqu'un d'aussi jeune.
"C'est bien, faut pas avoir peur. Moi non plus. J'en ai vu d'autres. La seule personne qui puisse m'effrayer, c'est mon sergent instructeur avec son haleine de chiotte."
Cette réplique souleva encore quelques rires. Apparement, c'était gagné, la petite fille daigna enfin se présenter.
"Au fait, tu t'appelles comment? Moi c'est Rachel."
Rachel, pas mal comme nom.
"Moi c'est Dominique. Comment on dit en anglais, déjà ? Ah ! Oui ! Enchantée !"
Ca faisait plaisir à Dominique qu'il y ait enfi quelqu'un dans ce fichu pays qui comprenne son patois mi-anglais mi-français.